La tourbe

              Moyen de chauffage des habitants et véritable mine d’or. LONG, situé dans la vallée de la Somme, a tiré sa fortune de l’extraction de la tourbe. Les écoles, les ponts, la mairie, l’église, la gare et la centrale hydroélectrique ont été construites grâce à la vente de tourbages…
PROPRIETE DE LA TOURBE :
      L’aspect de la tourbe est fonction des éléments qui la composent et des conditions qui ont permis sa formation. Si les végétaux sont incomplètement décomposés, elle sera spongieuse, légère et ne pourra pas être utilisée comme combustible. Au contraire si elle est compacte son pouvoir calorifique augmentera.
Il faut également savoir que la tourbe renferme une grande quantité d’eau (de 80 à 95 % à l’extraction). Son séchage est donc nécessaire pour en faire un combustible. Une expérience montre qu’un pain de tourbe de 100g séché et plongé pendant 24 heures dans de l’eau peut absorber 500g d’eau…
On raconte que pendant les guerres napoléoniennes la tourbe qui a un pouvoir aseptisant était utilisée dans les pansements. La composition chimique varie avec le degré de décomposition et d’après la profondeur des échantillons prélevés. D’après des analyses effectuées, la tourbe se compose en majeure partie de Carbone, d’Oxygène, d’Hydrogène, de substances minérales et organiques et d’acides dus à des actions microbiennes. Pour LONG, les pourcentages seraient les suivants :

Carbone

Oxygène

Hydrogène

Azote

Cendres

60.89

30.69

6.21

2.21

4.61


La valeur calorifique de la tourbe comme combustible est inversement proportionnelle à sa teneur en eau et en cendres. Le pouvoir calorifique de la tourbe de LONG est de 4100 calories (le charbon a un pouvoir calorifique de 7200 calories par exemple). La tourbe a également un pouvoir de conservation et on a pu retrouver dans la tourbe des arbres en bonne état, des animaux et toutes sortes d’objets.
COMMENT SE FORME LA TOURBE :
      C’est la décomposition au fond des étangs de sphaignes, de carex et d’autres végétaux qui donnent une tourbe de matières végétales riche en azote. Les végétaux s’accumulent tout au long des années et plusieurs centaines d’années seront nécessaires pour donner la tourbe.
Pour que la tourbe se forme il faut d’une part que le marais soit peu profond et d’autre part qu’il soit à l’abri du vent, car le vent agitant les eaux, celles-ci s’imprègnent d’oxygène qui permet ainsi aux végétaux de vivre.
Découpe de la vallée de la Somme:
Les tourbiers au repos :
Extraction de la tourbe au grand louchet :
Voici quelques façons de placer ces briquettes à sécher :
Une autre manière d’extraire la tourbe était de l’extraire à partir d’une barque, de la répandre à l’intérieur de cette barque, de la malaxer et de la mettre dans un moule à tourbe qui pouvait fabriquer 4 briquettes à la fois
EXTRACTION DE LA TOURBE A LA MAIN :
      Ce travail se faisait à la main, tout d’abord avec le petit louchet qui ressemblait un peu à la bêche du jardinier à laquelle on aurait ajouté un aileron pour couper le pain de tourbe. La tourbe extraite de la sorte était d’assez mauvaise qualité parce que extraite en surface.
Eloi MOREL de Thizy Glimont a inventé en 1786 un louchet avec un manche de 4 à 7 mètres qui permettait d’extraire des pains de tourbe de plus d’un mètre de long et de 10cm de côté. Grâce à cet outil, on pouvait extraire la tourbe jusqu’à 6 ou 7 mètres de profondeur. Le travail du tourbier était dur, et un bon tireur pouvait extraire plus de 20 mètres cube de tourbe par jour, soit plus de 20 tonnes de matière fraîche qui donnaient environ 3.5 à 4 tonnes de tourbe sèche.
Pour extraire la tourbe, il faut tout d’abord dégager l’herbe et la terre qui recouvre la tourbe ( « découenner ») avec le petit louchet
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Le petit louchet :
Puis enfoncer son grand louchet perpendiculairement et profondément, décoller ce pain de tourbe et le remonter au sol en faisant attention qu’il ne glisse pas entre les ferrures du louchet, tout un art.
Le coupeur de tourbe (ech coupeu) coupe le pain de tourbe en 3 briquettes et une troisième personne
( ech broutteu) transporte les briquettes pour les faire sécher à l’air libre en les placement de différentes façons pour que l’air circule bien autour.
Le grand louchet :
Le dernier tourbier a été monsieur Julien FACQUET.
Le moule à tourbe :
Le tourbier (ech tireu de tourbe) pouvait ainsi enfoncer son louchet plusieurs fois au même endroit pour extraire la tourbe jusqu’à près de 6 mètres de profondeur.
La période d’extraction était donc limitée à une centaine de jours dans l’année, du 1er avril au 15 août. La tourbe était vendue sous forme de briquettes et partait dans l’amiénois, le Doullannais et dans d’autres régions. Il existe une délibération de la Commune d’Ailly qui demandait à la commune de LONG une indemnisation représentant la remise en état de ses routes par le charroi incessant de la tourbe de LONG.
Les habitants avaient droit à une certaine quantité de tourbe pour se chauffer et les plus pauvres se voyaient octroyer une plus grosse part.
L’extraction a cessé en 1962 ; il reste d’énormes quantités de tourbe dans le sol des marais de LONG (voici une idée de ce que peuvent contenir ces marais : un hectare de marais tourbeux renferme environ 40 000 m3 de tourbe) . Ce ne sont pas les moyens d’extraction qui manquent mais les surfaces d’épandage qui ont aujourd’hui disparu. Il faut ajouter à cela bien évidemment le remplacement des briquettes de tourbe par le charbon. Aujourd’hui la tourbe sert d’engrais ; déjà en 1950 LONG avait expédié 400 tonnes de tourbe à cet usage
Il fallait de grandes surfaces d’épandage pour faire sécher cette tourbe et c’est une des raisons qui arrêtera l’extraction à LONG. La tourbe pouvait alors être livrée 30 à 40 jours après l’extraction. La période d’extraction était assez limitée et ce pour deux raisons :
- la première c’est qu’en hiver on ne pouvait pas travailler au bord des marais à cause du terrain qui n’était qu’une boue noire;

- la seconde était que l’air humide ne permettait pas le séchage.

Séchage de la tourbe :
     
Le 1er séchage durait de 10 à 15 jours. La tourbe était alors retournée puis un deuxième séchage durait lui aussi 15 jours et on retournait une nouvelle fois les briquettes.
Le travail était effectué par des femmes aux mains agiles qui retournaient jusqu’à 40 000 briquettes par jour pour les faire sécher sur les quatre faces. Il fallait voir ces femmes pliées en deux, comme les planteuses de riz, qui déplaçait ce champ de briquettes à grande vitesse. Un film existe d’ailleurs qui montre ce travail (les nymphéas) tourné par une équipe de FR3.

 

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En 3 minutes 1200 briquettes étaient répandues sur le sol. En une journée 2 ouvriers seulement avaient « tiré » 30 000 briquettes ce qui représentait environ 10 tonnes de tourbe sèche.
Voici des éléments de comparaisons :
- en 1945 : production annuelle : 800 tonnes ;
- en 1946 : production annuelle : 1000 tonnes ;
- en 1947 : production annuelle : 2000 tonnes .
EXTRACTION DE LA TOURBE A LA MACHINE :
      En 1942, un enfant du pays, Noé DELASSUS inventa une machine à extraire la tourbe mécaniquement. Ce fut une révolution ! Il a fabriqué un louchet énorme actionné par un moteur électrique qui se meut sur un support qui roule sur des rails.
Le moteur enfonçait donc ce grand loucher dans le sol et remontait un prisme de tourbe. Ce gros pain de tourbe était déversé dans un bac dans lequel il était malaxé puis déposé dans une benne de 2.5 m3. Un gros tracteur emmenait sur le lieu de séchage cette benne munie d’une sorte de vis sans fin qui permettait d’épandre sur le sol des boudins interminables de tourbe. Un ouvrier venait, à l’aide d’un râteau aux dents écartés, couper ces boudins en briquettes de tourbe.
Machine de Noé DELASSUS :
Noé Delassus, Daniel Delassus, Claude Cailly :

Il existe un chant des tourbiers...
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